L'Église que Malula voulait : une fraternité des enfants de Dieu
À travers son ministère prophétique et son engagement indéfectible en faveur d’une Église enracinée dans les réalités africaines, le cardinal Joseph-Albert Malula (1917–1989) a marqué l’histoire du christianisme en Afrique. Premier cardinal congolais et archevêque de Kinshasa, il a porté une vision audacieuse : celle d’une Église vécue comme une fraternité authentique entre les enfants de Dieu.
Au-delà des discours, cette vision se voulait transformationnelle, libératrice, et profondément incarnée dans la dignité de la personne humaine. Voici les fondements de l’Église selon Malula – une Église prophétique et fraternelle, pleinement engagée dans la construction d’un monde plus juste.
1. Une Église-famille, lieu de fraternité humaine
Pour le cardinal Malula, l’Église devait avant tout être un lieu de communion fraternelle, à l’image de la Trinité, où tous les baptisés – sans distinction d’origine, de race ou de condition – se reconnaissent comme enfants d’un même Père.
Il rejetait fermement toute forme de cléricalisme dominateur ou de néocolonialisme ecclésial. L’Église qu’il appelait de ses vœux devait abolir les hiérarchies de pouvoir non évangéliques, et restaurer la fraternité comme principe fondateur de toute relation ecclésiale.
2. Une Église véritablement africaine et inculturée
Convaincu que l’Évangile ne détruit pas la culture mais l’illumine, Malula fut un fervent défenseur de l’inculturation. Il plaidait pour une liturgie enracinée dans les expressions culturelles africaines : musiques, langues locales, danses rituelles et symboles ancestraux revisités.
Il ne s’agissait pas d’un folklore liturgique, mais d’un véritable ancrage théologique : faire en sorte que le Christ parle le langage du peuple africain, dans sa chair, son histoire, et ses aspirations.
3. Une Église engagée pour la justice et la dignité humaine
La vision ecclésiale de Malula ne pouvait être neutre face à l’injustice. Inspiré par l’Évangile, il voulait une Église qui porte la voix des sans-voix, qui dénonce la corruption, la pauvreté systémique, et les abus de pouvoir – y compris ceux de l’État zaïrois de l’époque.
Il voyait dans l’Église un acteur social majeur, appelé à défendre la dignité humaine, à promouvoir le bien commun, et à soutenir les mouvements populaires en quête de libération.
4. Une Église de la réconciliation et de la paix sociale
Dans un contexte postcolonial marqué par les tensions ethniques, les divisions sociales et les blessures du passé, Malula promouvait une Église capable de guérir les mémoires.
Pour lui, la fraternité ne pouvait exister sans pardon, dialogue et réconciliation. Il appelait les chrétiens à devenir des artisans de paix, au sein de leurs familles, de leurs communautés, et de la nation tout entière.
5. Une Église participative, avec un laïcat actif et responsable
Loin d’une Église centrée uniquement sur le clergé, Malula valorisait la mission des laïcs dans l’évangélisation et la transformation sociale. Il encourageait l’émergence des Communautés ecclésiales de base, lieux de prière, de solidarité et d’action.
Pour lui, chaque baptisé, homme ou femme, jeune ou adulte, était appelé à jouer un rôle actif dans la vie de l’Église, en tant que sujet ecclésial à part entière.
Conclusion : Un héritage prophétique pour aujourd’hui
L’Église rêvée par le cardinal Malula reste, encore aujourd’hui, d’une puissante actualité. À l’heure des conflits identitaires, des injustices persistantes, et de la perte de repères spirituels, son appel à une Église fraternelle, inculturée, engagée et inclusive demeure une boussole prophétique.
Elle interpelle chaque chrétien et chaque Église locale : sommes-nous encore cette fraternité des enfants de Dieu que Malula appelait de ses vœux ? La réponse à cette question détermine, en partie, l’avenir du christianisme en Afrique et dans le monde.